Gretchen Parlato: la voix d'une chaude tendresse

Le titre peut faire penser à une promo. Ce n'est pas le cas. C'est l'atmosphère feutrée et intime qui régnait au Cabaret Espace Scène de la salle Desjardins-Telus, samedi, quand l'auteure-compositrice-interprète Gretchen Parlato est montée sur scène, en compagnie de ses trois complices.

Toute menue, drapée d'une belle robe rouge, elle donnait parfois l'impression de rappeler Sœur Sourire avec ses mains croisées et sa démarche toute discrète à l'avant-scène. Sa voix, aussi douce que précise, a rapidement donné le ton à la soirée. Ce serait à la fois tendre et juste, autant qu'inventif.

Gretchen Parlato, fille de Dave Parlato, jadis contrebassiste de Frank Zappa, malgré cette timidité apparente, a rapidement pris la maîtrise de la donne, avec deux pièces de ses mentors, Wayne Shorter et Herbie Hancock, pour manifestement surprendre la salle, remplie à capacité (le 28e Festi Jazz affiche complet presque partout), qui a marqué, aussi timidement au départ, la performance des quatre musiciens.

Ça s'est graduellement réchauffé, devant la qualité du pianiste (aussi au clavier Fender) Taylor Eigsti, dont les impressions au piano n'ont pas manqué la cible, livrant des solos à la fois directs et concis, sans pour autant donner dans la facilité d'une vedette. Sa discrétion était d'autant marquante qu'il a souvent souligné les solos de Gretchen Parlato avec une rigueur qui ajoutait de la couleur aux interventions vocales de la soliste.

Le contrebassiste Alan Hampton (autant à l'instrument acoustique qu'électrique) a entre autres donné un solo brillant et convivial, lançant une des compositions de Parlato, suivi par le pianiste et le batteur, alors que Hampton jouait aussi la percussion sur sa contrebasse comme ses deux compères sur les leurs. Du style dans la recherche tonale des compositions, sans décaler le rythme ou le tonus original.

Quant au batteur, Mark Guiliana, il m'est apparu un peu conservateur, son solo de la fin de course abusant du « bass drum » à outrance, ce qui a limité son exploration sur les autres tons de son instrument. Le rythme de base marquait quelque peu l'approche, handicapant parfois les autres portions de la batterie. Par ailleurs, il a bien supporté la belle aventure vocale avec une belle constance.

Gretchen Parlato a dû en surprendre plusieurs, ce samedi, par son approche et la solidité de ses interprétations. C'était évident en début de spectacle. La surprise a cédé la place à la satisfaction et à conviction, amenant une ovation bien méritée, après cette magnifique berceuse, dont le thème était joliment repris par le public au sortir de la salle.

Wayne Shorter a dit d'elle qu'elle maniait son instrument aussi parfaitement que Frank Sinatra ou Nat King Cole. Et Herbie Hancock affirme qu'elle a une relation magique avec la musique. Et sur son site, il est mentionné que, cet automne, elle fera partie des enseignants à la faculté jazz de la Manhattan School of Music. Elle donne aussi plusieurs classes de maître.

Si on la compare aussi à Billie Holiday, Gretchen Parlato demeure personnelle dans ses approches vocales, utilisant sa voix avec une précision qui surprend, qui donne surtout l'image de cette maîtrise de la performance vocale, au service d'un thème ou d'un titre.

Si, samedi, la prestation est apparue « parfois timide », l'illusion a été totale, autant pour la profondeur de son interprétation que la valeur de son inspiration. D'ailleurs, la Bible du jazz, Down Beat, l'a choisie la « Chanteuse de jazz la plus prometteuse » en 2011.

Ce samedi a donc permis de découvrir une chanteuse déjà en pleine possession de ses moyens et de son talent.